PORTRAIT – MON MARCHÉ A LA MAISON
D’ordinaire, flânant dans les allées, vous les retrouvez derrière leur étal haut en couleurs et en saveurs. Ils vous servent avec entrain, vous parlent de la pluie et du beau temps et vous offrent toujours de bons conseils. Actuellement, la méthode a changé mais ils se mobilisent sans relâche pour vous proposer des produits de qualité. 14 producteurs et commerçants locaux s’organisent pour répondre à une très forte demande depuis le lancement du dispositif « Mon marché sottevillais à la maison ». Au menu : fruits et légumes, volaille, charcuterie, poisson, fromage, œufs et autres produits laitiers, livrés sans aucun surcoût à votre domicile. Parmi cette liste de participants, chacun s’organise au mieux pour maintenir son activité tout en facilitant le quotidien de la clientèle. Les uns communiquent toutes les informations (types de produits, variétés de fruits et légumes disponibles, modalités de commande…) directement sur leur messagerie téléphonique. Les autres mettent à profit leur page Facebook pour vous communiquer toutes ces précisions utiles. Certains encore font le choix de vous guider directement lors de votre appel. Et bien entendu dans tous les cas, le contact de vive voix reste la clé de toute commande.
Sa moustache est connue sur les marchés de la place de l’Hôtel de ville tous les jeudis et dimanches, et vous pouvez aussi la croiser sur ceux de Bonsecours et de Rouen. Pascal Prévost, maraîcher de Quincampoix exerçant depuis une trentaine d’années, a décidé de faire partie de cette belle aventure, avant tout humaine. « J’apprécie qu’on me donne la parole, mais je tiens d’abord à souligner que l’effort est véritablement collectif ! Le Comité de Promotion des Marchés et la Ville de Sotteville-lès-Rouen ont réussi à mettre en place une opération énorme avec beaucoup de réactivité. Les commerçants participants mettent les bouchées doubles, mais il faut surtout voir la chaîne de bénévoles qui se crée pour réceptionner les marchandises, les stocker dans les meilleures conditions et préparer la tournée pour assurer leur livraison. L’envers du décor est réellement impressionnant ».
Pour Pascal, le confinement a donc sonné le glas des 4 marchés hebdomadaires sur lesquels il écoule habituellement sa production. N’allez cependant pas croire que son activité a baissé. Bien au contraire, elle n’a jamais été aussi intense ! « Nous avons décidé d’ouvrir un peu l’exploitation pour proposer de la vente sur place aux gens du plateau, et avons adhéré au projet présenté par le Comité de Promotion des Marchés, heureux de renouer ainsi avec notre clientèle sottevillaise. Certains fidèles étaient un peu perdus lorsque les marchés ont été annulés, et de nouveaux consommateurs sont vite venus se greffer. Le succès est au rendez-vous : entre 100 et 140 commandes par semaine ! Dans mon métier, on ne compte pas les heures, mais là, j’explose les compteurs. En temps normal j’ai coutume de lever le pied le dimanche après-midi et le lundi. Désormais, je bosse 7 jours sur 7 car la constitution des paniers demande une très grande logistique. Tout en assurant les tâches quotidiennes, je me transforme tour à tour en standardiste et en préparateur de commande. Nous livrons la plateforme le lundi matin, en veillant à récolter avec les délais les plus courts pour une fraîcheur optimale car la qualité reste notre priorité première. La fatigue est présente en fin de journée mais je suis sincèrement heureux de pouvoir contribuer à mon niveau en ces temps de crise sanitaire, et encore une fois ravi de voir de nouvelles formes de solidarité se créer. Une chose est tout de même sûre : j’ai hâte de pouvoir revenir sur les marchés quand tout cela sera fini ».
Les demandes sont nombreuses et la période n’est pas la plus propice. « Lorsqu’on fait le choix du local, on est évidemment soumis à la saisonnalité qui rythme nos productions. Actuellement les stocks d’hiver s’amenuisent (betteraves, carottes…) tandis qu’il est encore trop tôt pour un certain nombre de légumes tels que courgettes et tomates. C’est donc une période un peu plus creuse, mais il n’y a évidemment pas de période idéale pour ce que nous traversons. En haute saison, nous aurions eu plus de choix mais cela aurait été encore pire économiquement. L’opération de Sotteville-lès-Rouen nous aide bien à maintenir le cap. Après les déboires liés à l’incendie de Lubrizol, j’ai cependant réussi à contenir ma trésorerie et parviens à payer mes deux employés. Pour l’instant, je règle mes factures et verrai prochainement pour prélever mon propre salaire ».
Malgré ce contexte, Pascal Prévost garantit les tarifs habituels pour ne pas léser les consommateurs. « Les conditionnements et les prix n’ont pas changé, je ne profite nullement de la situation. Mon carnet de l’an dernier posé sur mon bureau peut en attester ». Droit dans ses bottes et plus que jamais fier du travail de la terre, le maraîcher reste optimiste : « La période n’est pas facile et impose des changements. Certains peuvent être positifs. Avec mes collègues de la profession, nous jouons actuellement un rôle pédagogique auprès de consommateurs avec qui nous avions perdu tout contact et qui semblent nous redécouvrir avec un réel intérêt. Cette sensibilisation aux techniques de production plus respectueuses prend aussi du temps mais elle joue en notre faveur et valorise nos choix face aux grandes chaînes de distribution. De nouvelles habitudes émergeront pour certains après cette épreuve inédite ».
Photo : Rémy Louis