PORTRAIT – SANTÉ
Yoann Seigneur, médecin généraliste, exerce à son cabinet rue Benoît Malon depuis 2014. Dès les débuts de la crise sanitaire, ce docteur a vite pris conscience de certaines difficultés d’ordre pratique. « Cette situation inédite exigeait une organisation sans faille du cabinet médical pour garantir la sécurité de chacun, mais la gestion des flux s’avérait relativement compliquée en raison de la typologie des locaux. Nous avons la chance de ne pas avoir été parmi les départements les plus touchés, mais le risque de contamination était réel. Des patients qui devaient venir pour toute autre chose que le Coronavirus hésitaient d’ailleurs à venir consulter, par crainte de cet ennemi invisible. J’ai donc fait part de ce constat individuel et de mes préoccupations à l’Union Régionale des Médecins Libéraux de Normandie. C’est ainsi que je suis entré en contact avec le Dr Delphine Secret Pouliquen qui exerce dans la commune voisine de Saint-Étienne-du-Rouvray. Cette consœur avait déjà entrepris des démarches pour la création d’un centre Covid-19. Le projet était déjà bien avancé, avec une salle mise à disposition et du matériel sur place. Au lieu de multiplier les initiatives, nous avons décidé de mutualiser les moyens et je me suis ainsi greffé à cette action. Nous avons eu le soutien logistique des Villes de Sotteville-lès-Rouen et Saint-Étienne-du-Rouvray et nous avons sollicité nos collègues pour assurer le fonctionnement de ce centre adapté ».
Celui-ci a ouvert ses portes le 2 avril grâce à la mobilisation de 57 professionnels médicaux sottevillais et stéphanais, d’agents municipaux mais aussi de bénévoles. Près de 50 Sottevillais se sont portés volontaires suite à l’appel lancé par la Ville sur ses réseaux sociaux. « Un élan de solidarité a accompagné le mouvement. Les uns ont donné des équipements, les autres ont donné de leur temps et mis à profit leurs compétences. À ses débuts, le centre était uniquement dédié aux consultations de personnes présentant des symptômes liés au Covid-19, orientées par leur médecin traitant, par le 116 117, le 15 ou encore Sos médecins. Il était ouvert 7 jours sur 7 toute la journée, avec 4 personnes minimum sur place, dont 1 médecin. Ensuite, nous avons assuré des rendez-vous uniquement les après-midis et la cadence s’est encore progressivement réduite, tenant compte des besoins sur le terrain mais aussi des disponibilités plus limitées des membres du collectif médical dont le travail habituel a aujourd’hui repris à plein temps. Mais nous continuons et cela sera sûrement le cas durant tout le mois. Le centre s’est cependant diversifié pour assurer les tests sérologiques. C’est d’ailleurs ce versant de l’activité qui a motivé l’Agence Régionale de Santé à appuyer aujourd’hui le maintien de nos missions ».
Armés de masques et/ou visières, surchaussures et surblouses, les médecins ont exercé dans un environnement adapté et sécurisé. « Tout a été pensé en ce sens. Les cabinets de ville ne se prêtaient pas aussi bien à des dispositions aussi contraignantes, et cela a donc permis de les désengorger, rassurant au passage la patientèle habituelle. La sécurité était aussi maximale pour le personnel médical. Le résultat n’est pas quantitatif, car le nombre de patients est resté relativement limité puisque nous n’avons fort heureusement pas affronté la vague redoutée, mais bel et bien qualitatif. Les risques de contagion ont été drastiquement limités grâce à l’efficacité de ce dispositif mis sur pied en très peu de temps ».
Le Dr Seigneur rappelle que chacun doit rester vigilant et continue de privilégier la téléconsultation quand cela est possible. « Cette pratique, qui n’est pas encore ancrée dans les habitudes, a naturellement augmenté avec la crise sanitaire. Des dispositions de la Sécurité sociale ont notamment facilité cette solution à distance. Pendant cette période particulière, nous avons développé l’échange d’information avec les infirmières qui ont pris les constantes chez des patients, nous permettant de continuer le suivi de ceux habituellement vus à domicile sans prendre le risque d’aller chez eux et de les contaminer. De plus, le renouvellement d’ordonnances a pu être effectué par téléphone. L’adaptation a permis de faire front. Chacun retrouve désormais plus de contacts physiques, mais il convient de respecter les mesures dans l’intérêt collectif. Cette histoire n’est pas encore pour l’heure derrière nous et nous ne connaissons pas la suite… ».